Nathan observa quelques instants un vieil arbre noirci échoué un peu plus loin dont il ne restait plus que le tronc. Il avait emmené Alicia dans un coin de la page qui rappelait moins le côté touristique de la ville que les autres bancs de sable surpeuplés des environs. Un peu plus de végétation, moins de morceaux de béton… L’endroit était surtout fréquenté par des jeunes et respectait quelques clichés en accueillant régulièrement des feux de camp et des réunions distrayantes entre amis. En pensant à ça, l’étudiant sentit un léger pincement au cœur qui lui floua la vue pendant une seconde. Bien que le Kansas perdu au milieu des Etats-Unis ne connaissait pas la mer, ce calme lui rappelait sa ville natale. Après avoir connu une agitation comme celle qu’il y avait à Harvard et dans les grandes agglomérations de la côte Est, il se voyait mal revivre dans un petit lieu pareil, où tout le monde connaissait tout le monde, malgré qu’il ne put se défaire totalement de la sérénité dans laquelle il était né. On savait d’où lui venait son caractère si platonique.

Quand Alicia vint s’asseoir à ses côtés, le jeune homme lui attrapa la main et y emmêla ses doigts. Fuir, c’était la seule chose qu’il savait faire… Par ce geste, il s’était bien décidé à ne pas y mettre de sentiment non plus. Cependant, il ne put s’empêcher de remarquer que ce contact plus direct, plus franc, plus… Réel, l’avait calmé et rassuré. N’enlevant pas sa main de la sienne, Nathan se rapprocha d’Alicia, ce qui était en fin de compte la seule solution qu’il avait trouvé pour que l’un et l’autre se réchauffent.

- Le problème n’est pas que toi ou moi s’en rappelle… Je ne voulais d’aucune manière te remettre une image blessante en tête. C’était loin d’être malin de ma part…

Sans s’éloigner d’elle, Nathan la contempla comme pour que tous les détails de son visage lui reviennent en mémoire malgré l’obscurité des lieux. Cela le frappa enfin… La pénombre semblait creuser un peu plus des fossettes qu’il ne connaissait pas chez elle. Une mèche de cheveux vola devant elle et l’étudiant tendit sa main libre pour lui remettre en place derrière l’oreille.

- Ecoute, t’as l’air crevée… On ferait mieux de rentrer, proposa-t-il avec un sourire gêné. Après quelques instants de silence, comme pour la convaincre, il répliqua. Je te promets qu’on se reverra…

Il était vrai que plus tôt dans la soirée, il s’était dit qu’il aurait certainement du mal à ne pas l’éviter pour ne pas avoir la souffrance dès l’apparition de ses traits qui remuaient son passé et le lui éclaboussaient à la figure. Cependant, ses envies de l’embrasser lui passeraient certainement… La preuve ! Réussir à la tenir ainsi dans ses bras et sentir la chaleur de son corps contre le sien avec des pensées démunies de toute ambigüité était déjà un bel effort. Par opposition à cette idée, la pensée lui avait vivifié la sensation que lui procurait la peau d’Alicia et Nathan sentit un frisson le parcourir, qu’il n’aurait pu cacher malgré toute son ardeur. Il faillit se reculer pour ne plus ressentir ça…